Après dix mois de négociations interminables, le Royaume-Uni et l’Union européenne sont parvenus à un accord commercial post-Brexit. De nombreux changements dans les échanges commerciaux entre Londres et Bruxelles sont attendus des deux côtés de la Manche à partir du 1er janvier 2021, mais il s’agit aussi de la fin d’une relation tumultueuse.
Qualifié d’inédit, l’accord commercial permet de préserver l’accès, sans droits de douane ni quotas, du Royaume-Uni au marché unique européen et inversement. Un marché qui compte près de 450 millions de consommateurs. Une mesure importante pour les secteurs de l’automobile, de l’agroalimentaire, de l’aéronautique et du spatial, pour lesquels le marché britannique représente un débouché important.
Retour des douanes
L’accord marque de forts changements comme le retour des douanes supprimées en 1993. Toute transaction doit désormais faire l’objet d’une déclaration d’importation et d’exportation. Les contrôles pour les importations d’animaux vivants ou les denrées alimentaires deviennent systématiques, et la validation d’un vétérinaire est obligatoire.
Quant aux agriculteurs européens et britanniques, ils pourront continuer à exporter sans droits de douane et sans quotas. Les produits d’outre-Manche devront continuer à respecter les normes en matière d’environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Mais Massimiliano Giansanti, vice-président de la Copa, un comité européen des organisations professionnelles agricoles, n’est pas encore totalement convaincu : « L’accord conclu est un bon accord. Il pouvait y avoir un meilleur accord, c’est certain. On aurait aussi pu avoir un accord bien plus tôt et arriver au 31 décembre avec une série d’accords clairs et précis. Mais, c’est mieux que rien
En ce qui concerne la pêche, l’un des points de blocage dans les négociations, l’accord prévoit que les pêcheurs européens continueront de pêcher dans les eaux poissonneuses britanniques en contrepartie d’une baisse progressive de leurs prises de 25 % d’ici 2026. Il faudra ensuite renégocier chaque année le partage.
En revanche, l’accord prévoit peu de choses pour la City, premier centre financier européen, qui représente pourtant 80 % de l’économie britannique. À partir du 1er janvier, les groupes financiers basés au Royaume-Uni ne peuvent plus vendre leurs produits financiers dans l’Union. Seuls ceux dont la réglementation locale est considérée comme équivalente à celle en vigueur dans l’UE sont admis.
La fin aussi de 47 ans de relations compliquées
Si cet accord signe le début d’un nouveau partenariat entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, il est aussi l’épilogue d’une relation tumultueuse qui aura duré 47 ans. Et pourtant, Winston Churchill en 1946 parlait déjà des « États-Unis d’Europe ». Un projet garant de paix, jugeait le Premier ministre britannique. Mais pas question que son pays y participe.
Dans les années 1950, des négociations sont en cours pour créer la CEE (Communauté économique européenne), l’ancêtre de l’Union européenne. C’est à ce moment qu’un fonctionnaire britannique a cette formule restée célèbre : « Dieu merci, ce que vous fabriquez n’a aucune chance d’exister. » Londres finit par frapper à la porte mais par deux fois, en 1963 et en 1967, le général de Gaulle y met son veto. L’entrée officielle se fait finalement en 1973. Mais après des débats déjà houleux et une classe politique divisée.
Margaret Thatcher, qui soutenait à l’époque la construction européenne, arrive ensuite aux commandes du Royaume-Uni. Elle devient une figure redoutée à Bruxelles avec son fameux « I want my money back » (Je veux qu’on me rende mon argent, en français). En 1984, la Première ministre obtient finalement un rabais sur la contribution britannique au budget européen.
Londres a aussi beaucoup milité pour l’élargissement de l’Europe à l’Est, concrétisé en 2004. Mais c’est finalement la présence jugée trop importante sur le sol britannique de travailleurs européens, notamment de l’Est, qui deviendra en 2016 lors du référendum un des arguments des Brexiters.
RFI