L’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP) de l’Université Joseph Ki-Zerbo en partenariat avec l’Union internationale pour l’étude scientifique de la population (IUSSP), a organisé un atelier de partage des résultats de la recherche sur les facteurs explicatifs de la stagnation de la fécondité dans la ville de Ouagadougou, avec les journalistes en population et développement, le jeudi 23 mai 2023 à Ouagadougou au sein de l’institut.
Comprendre les facteurs explicatifs qui sont à l’origine de la stagnation de la fécondité dans la ville de Ouagadougou depuis une vingtaine d’années ; tel était l’objectif visé par l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP) de l’Université Joseph Ki-Zerbo en partenariat avec l’Union internationale pour l’étude scientifique de la population (IUSSP).
Pour ce faire, une étude sur la stagnation a été menée entre juin et juillet 2021 et a concerné cinq quartiers de la ville de Ouagadougou notamment la partie Nord à savoir Kilwin, Nioko2, Nonghin, Polesgo et Tanghin. Cette étude a utilisé les données de routine de l’Observatoire de population de Ouagadougou (OPO) et d’autres sources de données primaires et secondaires collectées dans la zone de l’OPO.
La cible concernée par cette étude est des femmes en âge de procréer dont l’âge est compris entre 15 à 49 ans résidant dans l’un des cinq quartiers de l’OPO entre 2010 et 2017. L’effectif des femmes incluses dans les analyses est de 40057 individus dont 17810 sont des immigrantes du milieu rural.
Selon le premier responsable de l’ISSP, Abdramane Soura, cette activité qui entre dans le cadre du partenariat entre l’Association des journalistes et communicateur pour le développent (AJC/PD) va permettre aux Hommes de média de disposer des informations justes et vraies leur permettant de mieux informer le public mais aussi les parties prenantes et les communautés sur les questions liées notamment à la fécondité dans la ville de Ouagadougou.
A l’issue des travaux de recherches, les chercheurs sont parvenus à la production de quatre notes politiques. Il s’agit de : l’intégration socioéconomique des femmes immigrantes en milieu urbain, la recherche effrénée de mixité dans les enfants au niveau des couples, le rôle des collectivités dans les politiques de planning familial et la perception de la vieillesse qui impacte fortement la fécondité.
Résultats des recherches
Selon le coordonnateur de l’étude, Dr Moussa Bougma, il est parti d’un constat qui est que depuis une vingtaine d’année, il y a un ralentissement de la baisse de la fécondité dans la ville de Ouagadougou. Selon ses explications, dans les années 1993, le nombre d’enfant estimé par femme était de 5.1 et de 2003 à 2021 le 2021, le nombre d’enfant par femme est estimé à environ 3, ce qui montre une constance de la fécondité depuis 20 ans.
Pour lui, après des recherches approfondis, il en ressort que les femmes venues du milieu rural accouchent plus et ont plus d’enfants que celles qui sont nées à Ouagadougou. Et de poursuivre que cela s’explique par la méconnaissance des méthodes contraceptives, le niveau d’éducation et le niveau de vie faible de ces dernières « Les femmes natives de la ville comparativement aux femmes immigrantes du milieu rural résident en majorité dans les quartiers non lotis, dans les ménages beaucoup plus pauvres. Elles sont très faiblement instruites et vivent pour la plupart en union. En effet, la proportion des femmes immigrantes du milieu rural vivant en zones loties varie entre 35 et 40% contre 55% à 62% pour les femmes natives de la ville, soit une différence d’environ 21 points », a démontré Dr Bougma.
C’est pourquoi, il a recommandé l’amélioration des services de planification familiale dans les quartiers périphériques afin de répondre à leurs besoins. Aussi, il a recommandé l’engagement des collectivités territoriales pour la prise en compte de la planification familiale ou il s’agira de mettre en place un cadre d’échange entre la société civile et les collectivités en vue d’accentuer sur les sensibilisations. Et enfin de favoriser la multiplication et la participation aux différentes rencontres et enfin créer un cadre communal de concertation sur la planification familiale.
Un autre résultat de cette stagnation de la fécondité est la recherche de la mixité des enfants c’est-à-dire le désir ardent du couple d’avoir un garçon et une fille parmi ses enfants. Il est démontré que ces femmes n’utiliseront pas des méthodes contraceptives car elles feront des enfants supplémentaires qui vont au-delà du nombre qu’ils avaient initialement décidé. « Les femmes enquêtées aspirent à avoir en moyenne 5.1 enfants pour optimiser les chances d’avoir le sexe de l’enfant souhaité alors qu’au moment de l’enquête elles avaient en moyenne 3.4 enfants. Les femmes ayant uniquement des garçons et celles uniquement des filles ont respectivement 52% et 48% moins de chance d’utiliser la contraception que les femmes ayant des enfants des sexes », a fait savoir le coordonnateur de l’étude.
A l’en croire, les femmes ont évoqué des raisons diverses d’où le maintien de la lignée, le soutien financier, etc. A cet effet, le chercheur a préconisé de sensibiliser les parents en réduisant l’inégalité de genre entre les enfants.
L’étude de la stagnation a révélé que des parents considèrent l’enfant comme un capital vieillesse. Les femmes qui comptent sur leurs enfants pour vivre dans la vieillesse ont une fécondité plus élevée que les autres femmes. Et près de quatre femmes sur cinq (79.1%) comptent sur leurs enfants pour vivre dans leur vieillesse. Aussi, selon les recherches en 2015 au Burkina Faso, seulement 2.7% de la population ayant l’âge légal de la retraite qui bénéficiait d’une pension vieillesse. Ce part était beaucoup plus élevé chez les hommes (5.4%) que chez les femmes (0.7%). La population dont l’âge est comprise entre à (15-64 ans) qui contribuait à une assurance vieillesse était de 2% la même année. C’est pourquoi, Dr Moussa Bougma a invité à sensibiliser les populations sur la culture de l’épargne et les plans de retraite.
Stagnation de la fécondité atouts ou menace
Qu’à cela ne tienne, cette stagnation selon les dires de Dr Bougma ne constitue ni une menace ni un atout pour la ville de Ouagadougou. Toutefois, il a estimé que la question principale c’est de savoir qu’avec cette dynamique de la fécondité est ce qu’on a un contrôle de la ville ou est-ce qu’on arrivera à faire une planification de la ville ? « Plus de la moitié de la population disent qu’elles vivent à Ouaga mais elles vivent dans les zones périphériques dépourvus de tous services sociaux de base », a-t-il déploré.
Pour parvenir à faire baisser cette stagnation, le coordonnateur de l’étude a exhorté l’accompagnent des collectivités en les mettant au cœur de la planification familiale pour booster leur implication.
Kiswendsida Myriam OUEDRAOGO