Espagne : des villages en lutte pour l’eau potable

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En Espagne, où la qualité de l’eau est menacée par la pollution agricole, le manque de contrôles et la sécheresse, des dizaines d’autres villages souffrent, comme Lastras, du même problème d’accès à l’eau potable.

 

Dans cette bourgade de Castille-et-Léon (centre), les nitrates et l’arsenic rendent depuis six ans l’eau imbuvable pour les habitants, qui sont 350 l’hiver et près de 1.000 en été.

Alors, chaque lundi, ils défilent sur la place principale pour récupérer, à bout de bras ou dans des brouettes, des packs d’eau financés en partie par la mairie. Comme Alejandro Martín, 17 ans, qui aide son grand-père de 95 ans à ramener la précieuse eau minérale avant de la verser dans une casserole pour préparer un café.

Dehors, des bouquets et des guirlandes de bouteilles en plastique sont suspendus aux balcons où des banderoles exigent l’accès à l’eau potable.

« Ce n’est pas normal au XXIe siècle », s’indigne Mercedes Rodríguez, 41 ans, membre d’un collectif d’habitants. Le maire, Andrés García, dénonce de son côté « le manque d’argent » public qui a ralenti un projet qui devrait ramener l’eau potable à la fin de l’année.

Rien qu’en Castille-et-Léon, 63 communes en étaient privées en mars selon la télévision régionale. Il n’existe aucun chiffre officiel national sur le sujet.

D’après le ministère de la Santé, 67.050 analyses effectuées en 2019 au niveau national, parfois au même endroit à des dates différentes, ont montré que l’eau n’était pas potable.

Et les niveaux de nitrates inquiètent partout alors que plus du quart (28%) des stations d’eaux souterraines du pays en mesurent une concentration supérieure ou proche du seuil de potabilité et que près du quart du pays (22%) est « vulnérable » à cette pollution en raison de la nature des sols ou des activités agricoles, selon le ministère de la Transition écologique.

Des pollutions agricoles de plus en plus pointées du doigt. Comme à Lierta, village de la région d’Aragon (nord-est), privé d’eau potable depuis 2018 à cause des nitrates et où les habitants se battent contre un projet d’installation d’une nouvelle exploitation de 3.000 truies.

Sous un soleil de plomb, seul un chien s’abreuve à la fontaine débordant d’algues plus vertes que les montagnes alentour, qui dominent une vaste étendue de champs dorés de céréales parsemés de porcheries.

Ici, c’est déjà « près de 20.000 porcs pour 50 habitants », fustige Bernard Más, 68 ans, membre de l’association d’habitants qui vient d’obtenir la suspension du projet pour un an au dernier conseil municipal.

Dans le pays de la charcuterie, « l’élevage intensif, les maxi-exploitations sont un réel problème » pour la qualité de l’eau dans les zones où elles sont implantées, à cause des rejets de purins, estime Luis Babiano, président de l’Association espagnole des opérateurs publics de distribution et d’assainissement de l’eau.

Mais les excès de nitrates dans les sources d’eau restent d’abord une « conséquence de l’usage des fertilisants dans l’activité agricole » qui constitue « le principal problème » à la campagne, soulignait un rapport du ministère de la Transition écologique fin 2020.

« En milieu rural, il y a un contrôle insuffisant des eaux et les habitants des petites communes pourraient être en train de boire de l’eau non potable sans le savoir », mettait en garde ce même rapport.

Une situation qui inquiète jusqu’à Bruxelles, où la Commission européenne a lancé un ultimatum à l’Espagne en 2020 pour qu’elle améliore son contrôle de la qualité des eaux, sous peine de lourdes amendes.

A terme, la sécheresse, qui pourrait s’aggraver en Espagne en raison du changement climatique, pourrait aussi mettre en péril la qualité de l’eau dans le pays.

Car si la quantité d’eau diminue et que celle de produits nocifs ne baisse pas, la proportion de ceux-ci augmente dans l’eau, explique Luis Babiano.

A Lastras, Mercedes Rodríguez craint, elle, que la pollution de l’eau n’entraîne l' »extinction » de son village car « qui va venir dans un village où on ne peut pas boire l’eau du robinet ? ».

GEO (avec AFP)

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