Discours sur la situation de la Nation : « entre les efforts et les acquis qui ont été engrangés, les attentes et les difficultés perdurent », (Achille Tapsoba du CDP)

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A la suite de l’exposé du Premier ministre sur la situation de la Nation, le président du groupe parlementaire CDP, Achille Tapsoba a donné son avis. Pour lui, malgré les efforts du gouvernement, plusieurs actions restent à poser pour lutter contre l’insécurité, la crise dans le secteur de l’éducation et pour réussir la réconciliation nationale.

« Aucun gouvernement ne peint une Nation qu’il gère en couleur sombre. Entre la peinture que le gouvernement fait de la nation et la réalité que connait la Nation, il y a souvent des fossés, et ce sont ces fossés qu’il faut relever. C’est pourquoi il faut reconnaître d’abord, à sa juste valeur, les efforts qui ont été faits pendant une année de gestion d’un gouvernement. Il faut reconnaitre ces efforts quand ils sont constatables. Il faut reconnaitre les acquis qui sont visibles.

Mais entre les efforts et les acquis qui ont été engrangés, les attentes et les difficultés perdurent, il y a toujours un hiatus. C’est cette différence qui fait qu’aujourd’hui, quelle que soit la manière dont le gouvernement présente la situation, la réalité est tout à fait crue.  Et comme on le dit, les faits sont têtus.

Je prends comme exemple, trois secteurs de la vie nationale.

Le premier secteur de la vie nationale qui est prioritaire, c’est la sécurité. Sans la sécurité il n’y a pas de possibilité de vie sociale et s’il n’y a pas de vie sociale, il n’y a pas de vie économique et productive. Par conséquent, les problèmes de sécurité sont les plus importants. Actuellement, on constate qu’il y a eu des efforts budgétaires, des efforts en matière d’équipement des Forces de défense et de sécurité (FDS), des efforts en termes d’organisation et de législation pour permettre aux FDS de pouvoir agir sur le terrain efficacement. Il y a eu des efforts qui ont été consentis par l’Etat et par les populations pour accompagner les efforts du gouvernement ; il y a même des civils qui se sont engagés. Mais face au phénomène, on a l’impression que ces efforts restent une goutte dans la mer, tellement le phénomène du terrorisme continue de s’exacerber si fait que les populations ressentent les conséquences de ce phénomène de façon dramatique. Tous les jours nous entendons le bilan macabre. C’est ce qui fait que, quel que soit le bilan que le gouvernement présente, nous sommes obligés de dire que c’est bien mais c’est insignifiant par rapport à ce qui reste à faire et par rapport aux attentes des uns et des autres.

Deuxième secteur, c’est l’éducation. Dans ce domaine, il y a bien-sûr des réalisations en matière d’infrastructures et d’équipements scolaires, en matière de soutien au niveau des enseignants mais ces efforts ne peuvent pas cacher le triste fait que l’école est en crise. Les soubresauts, les violences que nous avons constatées dans les établissements, c’est ce que j’appelle les effets. Mais il faut aller chercher les causes. On ne peut pas gérer les effets et résoudre un phénomène par les effets. Il faut rechercher les causes. C’est pour cela que nous avons estimé en tant qu’opposition, qu’on peut dire qu’on a construit des écoles, on peut effectivement reconnaître qu’il y a eu des efforts, mais ce qu’on doit reconnaitre entre Burkinabè est que ça ne va pas malgré ces efforts et ces acquis. Ça ne va pas et ce n’est pas le corps professoral ou les parents d’élèves qui diront le contraire. C’est ce qui ne va pas qui nous intéresse, surtout que ce qui ne marche pas semble faire élision de ce qui a marché. C’est une question de rapport et de proportion. Dans un bilan, il faut jauger le positif et le négatif. Là où ça penche, on dit que le bilan global est satisfaisant. Mais si ça penche dans le négatif, on ne peut pas en toute bonne foi dire que c’est bon quand c’est le négatif qui l’emporte.

Dernier domaine, c’est la réconciliation. Si on a des problèmes en matière de sécurité et si ces problèmes sécuritaires induisent des difficultés au niveau social, économique, et de la vie sociale, c’est que le tissu social qui doit être le socle sur lequel on bâtit l’unité et la solidarité nationale est rompu, ça ne fait que faire le lit de ces genres de difficultés. La preuve, si le tissu social était solide, les questions de conflits communautaires engendrés par le phénomène du terrorisme n’allaient pas être si cruciaux que cela. Malheureusement, le tissu est déjà rompu et c’est de cela qu’il s’agit pour la réconciliation. Les gens pensent que c’est pour excuser ceux qui ont commis des fautes, blanchir ou ne pas punir des gens qui ont eu à poser des actes criminels surtout les crimes économiques et de sang. Ce n’est pas pour excuser des détourneurs de fonds publics, les amender ou les blanchir. Non, la réconciliation ne consiste pas à cela. La réconciliation consiste à faire en sorte que les Burkinabè s’asseyent et se disent la vérité.

Que ceux qui ont géré le pays puissent reconnaître par eux-mêmes là où la gestion a été mauvaise. Qu’on ait le courage, l’honnêteté, la loyauté envers sa Nation, pour reconnaitre que la gestion a été mauvaise, et pour reconnaitre qu’on a posé des actes, soit délictueux, criminels, et qu’on ait le courage de dire sa propre responsabilité, pour que les uns et les autres, on s’écoute, on s’entend. Vous verrez forcément que si on fait une analyse historique des systèmes socio-économiques et socio-politiques dans ce pays, ceux qu’on appelle les bourreaux ou les fautifs aujourd’hui ont été des victimes hier. C’est la triste réalité. On ne peut donc pas se contenter de dire que la réconciliation est un acte d’impunité.

Non, c’est une manière de recoudre le tissu social. Là où il y a effectivement eu des manquements plus ou moins graves, il faut que les Burkinabè entre eux s’asseyent et parlent.  C’est là l’exercice le plus difficile : que le bourreau parle à la victime s’il y a encore une possibilité, ou à ses ayants droits ; que les fautifs qui se sont auto-accusés fassent leur mea culpa, et que ceux qui ont été victimes de la situation puisse leur dire que la faute est pardonnée à moitié quand elle est reconnue, et que nous pouvons partir sur de nouvelles bases au Burkina Faso.

Nous avons dit que la réconciliation devient même le préalable de la résolution de toutes les grandes questions de ce pays si on la considère comme telle. Aujourd’hui, le justiciable et le justicier sont en difficulté. La confiance à la justice a pris un coup. Si le justiciable n’a pas confiance à celui qui juge, ça pose un problème et c’est cela qui amène l’incivisme, car on se rend justice à soi-même, parce qu’on n’a pas été satisfait par la justice objective. Le faible a l’impression que le plus fort l’emporte sur lui devant la justice. Par conséquent, le faible n’a plus confiance à la justice et il se rend justice lui-même. Il faut redonner confiance dans ce corps institutionnel entre les justiciables et les justiciers ; entre les gouvernants et les gouvernés. C’est tout cela qui constitue le socle de la réconciliation nationale et non laisser filer impunément un fautif. »

Propos recueillis par Michel BADO

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