Depuis une trentaine d’années, les migrations internationales révèlent leur visage féminin, bien qu’elles aient toujours été présentes, comme nous le montrent les données de la Division Population des Nations-Unies, le nombre de migrantes internationales a augmenté en parallèle à celui des migrants, soit de 36 à 117 millions entre 1960 et 2015 pour les femmes et de 40 à 126 millions pour les hommes sur cette même période.
Pas un jour ne passe sans qu’un documentaire, les journaux ou des images chocs de migrants clandestins débarquant illégalement sur une plage d’un pays d’Europe pour les plus chanceux et les moins chanceux, eux, perdent leur vie dans les océans. Ces images font les unes des journaux. Ces migrants qui arrivent en grand nombre, fatigués, amaigris, sales, menottés par des gardes de côtes, sont soit, fait prisonniers ou rapatriés dans un autre pays. Le drame qui s’est produit dans les eaux de la Mauritanie témoigne des risques qu’engendrent les migrations clandestines. Nouakchott, Mauritanie – Un bateau de pêche transportant des migrants a chaviré lundi 1er juillet 2024, au large des côtes de la Mauritanie, faisant au moins 89 morts, selon l’Agence mauritanienne d’information (AMI). Des dizaines d’autres personnes sont portées disparues. Le drame s’est produit à environ 4 kilomètres de la ville de Ndiago, dans le sud-ouest du pays.
Les garde-côtes mauritaniens ont repêché les corps des victimes, qui se trouvaient à bord d’un « grand bateau de pêche traditionnel,” a rapporté l’AMI le jeudi 4 juillet 2024.
Comme ce drame, plusieurs autres se produisent tous les jours dans les grandes eaux. Vingt-huit migrants sont décédés le mardi 4 octobre 2016 au large de la Libye, selon les garde-côtes italiens, dont plus de 22 sur un canot pneumatique surchargé selon un décompte de l’AFP.
L’Agence d’Information de la Mauritanie confie que les raisons du naufrage n’ont pas encore été déterminées, mais les traversées maritimes clandestines en direction de l’Europe sont souvent périlleuses. Les embarcations sont, souvent, surchargées et en mauvais état, et les passagers voyagent dans des conditions extrêmement dangereuses.
Les migrations internationales régulières comme clandestines ont un impact considérable sur la dynamique socio-économique des sociétés aussi bien celles du pays d’origine que celles du pays de destination. Ainsi, ceux qui rêvent d’un meilleur avenir, s’engagent contre vents et marées pour rejoindre l’Europe, leur Eldorado. Aujourd’hui, les femmes s’engagent de plus en plus sur ces chemins périlleux. Depuis le mois de septembre 2020, l’ampleur des départs en pirogue d’émigrants du Sénégal vers les îles Canaries a interpellé les politiques et ému l’opinion publique, informée des naufrages répétés et des pertes en vies humaines au large de Dakar. Longtemps, les femmes sénégalaises sont parties dans le cadre du regroupement familial, pour rejoindre un père ou un mari. Mais peu à peu, ces migrations féminines se sont autonomisées. Aujourd’hui, de nombreuses sénégalaises partent à l’aventure seules, par les airs, par la terre ou par la mer.
L’épisode 5 du podcast (Ces podcast réalisés par le Studio Ëpoukay, relate les histoires des femmes migrantes sénégalaises à travers le monde. Ces histoires mettent en exergue le visage féminin de la migration) « Dakar au bout du monde, les femmes en migration », relate le cauchemar d’un voyage. « Quand tu choisis de voyager, tu as les yeux plein d’espoir. Tu penses qu’une fois là-bas, tu deviens millionnaire très rapidement alors que parfois ça peut être ton enfer », explique une migrante sénégalaise. À long terme, la migration peut améliorer la vie de celles et ceux qui entreprennent. Le voyage peut aussi être une aventure extraordinaire, une expérience riche de rencontres et de découvertes. Mais il a aussi sa face sombre, avec des difficultés, des horreurs, des drames parfois. Sur la route, les femmes sont particulièrement exposées aux violences sexuelles, au chantage, à l’exploitation en tout genre. Le dénuement, la faim, les nuits à la rue sans lit et sans abri peuvent aussi être au rendez-vous.
En 2021, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) révèle que parmi les victimes de Human Trafficking identifiées, 50 % le sont pour l’exploitation sexuelle, 38 % pour le travail forcé, 6 % soumises à une activité criminelle forcée,1 % utilisées pour la mendicité.
Dès fois, la migration se passe bien. Mais parfois, le voyage tourne mal. Aissatou, une jeune Sénégalaise d’une vingtaine d’années, en a fait l’amère expérience il y a quelques années. Elle a croisé la mort de près. C’était entre le Maroc et l’Espagne, en pleine mer, sur la route de l’Europe. Son canot pneumatique a chaviré et Aïssatou a failli se noyer. Une fois revenue à terre, la jeune dame a été refoulée du Maroc vers l’Algérie, puis de l’Algérie vers le Niger, d’où finalement, elle a été rapatriée au Sénégal par l’organisation internationale pour les migrations (OIM)
Un autre lieu, même réalité. Les candidats à la migration empruntent plusieurs routes pour parvenir à leur terre promise au risque de leur vie. Dans la capitale du Niger, des migrants s’apprêtent à prendre la route de l’Europe au péril de leur vie, relate la Radiotélévision de Suisse (RTS). Le journaliste, Xavier Nicol de RTS se rend à la gare routière, où en plein nuit les migrants ont rendez-vous avec leurs passeurs. Il souligne que depuis que le Niger a décidé de traquer les migrants et les passeurs, la tension est montée d’un cran sur ce site. Il raconte l’histoire d’une jeune fille nigérienne qu’il y a repérer. La jeune fille apeurée raconte ses démêlés avec la police. ‘’ Ils disent que si on ne les paye pas, on ne pourra pas passer. Ils veulent 20000 et on n’a pas cette somme. Il faut que je retourne à l’intérieur. Il faut que je me dépêche inquiète’’. Selon le journaliste, au nord de Niamey des dangers encore plus grands les attentes. Un jeune qui a déjà tenté la route de l’Europe, a failli laisser sa vie, il y a un mois lorsqu’ils ont été abandonnés en plein désert dans le désert. Encore 5000 km les séparent de leur rêve européen. Pour atteindre la Sicile, ils devront traverser le désert, l’enfer libyen et la Méditerranée
Selon le ministère de l’Intérieur espagnol, plus de 16 700 immigrants sont arrivés aux Canaries depuis le début de l’année 2020. L’OIM considère qu’au moins 414 personnes seraient mortes cette année en tentant de rejoindre l’archipel espagnol.
Les migrants d’Afrique subsaharienne ont repris la route Atlantique en raison des récents accords conclus entre, d’une part, l’Europe et, de l’autre, la Libye, la Turquie et le Maroc, qui visent à fermer les routes migratoires de la Méditerranée.
Comme, elles sont nombreuses à prendre le chemin de l’inconnu à la recherche de leur bien-être économique et de celui de leur famille. Sur les routes migratoires et dans les pays d’accueil, elles sont confrontées à de multiples difficultés. Selon le journal en ligne « The Conversation », les violences sexuelles envers les femmes immigrées sont fréquentes mais restent largement invisibles dans les statistiques publiques en Europe. Si l’opinion publique y a été sensibilisée dans les pays de transit comme en Libye, c’est beaucoup moins le cas lorsque ces violences ont lieu dans le pays de destination. Le même journal indique que l’enquête Parcours réalisée en 2012-2013 dans 74 structures de santé en Île-de-France, auprès de femmes immigrées originaires d’Afrique subsaharienne, permet de situer les violences sexuelles dans le parcours migratoire et d’examiner le contexte social de survenue de ces violences après la migration ainsi que leurs conséquences en termes d’exposition au VIH.
Ces femmes sont ainsi particulièrement touchées par l’infection à VIH. En 2018, elles représentaient 60 % des nouvelles infections parmi les femmes diagnostiquées séropositives au VIH.
Un bateau de pêche transportant des migrants a chaviré au large des côtes de la Mauritanie dans le village de Ndiago
Une fois dans leur pays de destination, ces femmes sont confrontées au trafic sexuel et sont forcées de se prostituer. Africa Eye révèle l’existence d’un réseau de proxénétisme qui se développe entre l’Afrique et l’Inde. Grâce à une jeune dame Kenyane, chanteuse musicienne, partie en Inde pour réaliser son rêve est piégée un réseau de trafiquant sexuel. « La première fois que je suis allé, je regarde et j’ai vu tellement de filles attendant qu’un homme vienne les choisir », confie-t-elle. La journaliste de BBC Africa Eye, Nyasha Kadandara, à l’aide d’une caméra cachée met à nu les activités d’un proxénète qui cache bien son jeu. Celui-ci faisait venir des femmes d’Afrique pour les forcer à devenir des esclaves sexuelles. « Tu mets juste une belle robe quand tu vas avoir des rapports sexuels avec ton client ». La journaliste révèle que les travailleuses de sexe originaire africaines sont traitées comme de la marchandise. Elles vivent et meurent sans jamais être protégées par la loi. Elle affirme que l’enquête a été possible par le témoignage d’une femme courageux Grâce, une victime de ce trafic qui accepte de filmer en caméra cachée pour Africa Eye « Je ne veux pas que quelqu’un d’autre traverse ce que j’ai traversé. Je veux que tout ceci s’arrête », déclare la jeune kényane.
Pour autant, les femmes sont plus vulnérables que les hommes avant, pendant et après leur migration, aussi bien en termes de sécurité, de besoins psychologiques et d’accès aux services et aux droits. La féminisation de la migration n’est toutefois pas accompagnée de politiques qui tiendraient compte des difficultés particulières qui se posent aux femmes migrantes : accès au marché du travail, déqualification professionnelle, exploitation financière, précarisation et non-paiement des salaires, enfants à charge, mauvaises conditions de travail et de vie, discriminations culturelles au sein de la communauté d’origine, restrictions en matière de mobilité́, maltraitances
Wamini Micheline OUEDRAOGO