Avortements clandestins en milieu jeunes : des situations déplorables qui engagent la responsabilité des parents

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En 2011, 65% des jeunes femmes burkinabè âgées entre 15 et 24 ans ont eu recours à l’avortement. En 2020, ce sont 5 000 cas de complications d’avortement qui ont été déférées auprès des services de santé du pays entraînant 40 décès. Ces chiffres communiqués par la Direction de la santé de la famille du ministère de la Santé interpellent sur l’ampleur de la pratique de l’avortement qui pourtant, peut être prévenu au sein des familles.

 

Sarah (nom d’emprunt) se souvient encore du jour où le ciel lui est tombé sur la tête. Elle avait 19 ans, en classe de terminale et filait le parfait amour avec Drissa (nom d’emprunt), son petit ami étudiant. C’est dans la chambre de ce dernier, leur petit nid d’amour, que s’est dessiné le ‘’drame’’.

A la suite de petits malaises ressentis par la jeune demoiselle, ils avaient convenu avec son copain de faire un test de grossesse qui s’est avéré positif. Sarah n’a pas hésité le moindre instant, il fallait enlever cette grossesse, symbole de la dépravation de la fille de pasteur qu’elle était.

Drissa, traumatisé par la nouvelle, n’était pas en mesure de contester cette option. Ils décidèrent ensemble de contacter un ami étudiant en médecine qui leur recommande un produit pharmaceutique susceptible d’interrompre l’embryon de vie naissant dans le ventre de Sarah.

Elle avale donc le produit, résiste aux premières douleurs, expulse le fœtus et rentre au domicile familial. Les douleurs persistant, une amie l’accompagne chez un monsieur pour « finir le travail ». Mais que nenni ! Quelques jours plus tard, d’horribles tourments l’assaillent. Elle est conduite à l’hôpital et leur secret d’amour est découvert.

Aujourd’hui, sept ans plus tard, Sarah est marié depuis 5 ans, espère vainement un enfant et se remémore cet épisode de sa vie avec amertume dans le secret de son âme. « Le médecin m’a dit que mon utérus a été perforé. Ce sera un miracle que je tombe à nouveau enceinte. Je sais que mon mariage ne tient plus qu’à un fil… J’ai foutu ma vie en l’air », lâche-t-elle avant de fondre en sanglot.

« … félicitations, tu vas avoir un bébé »

Nous n’aurons plus aucune confidence de Sarah, perdue dans des pleurs à chaudes larmes jusqu’à ce que nous prenions congé d’elle.

Valentine Yelbi est coutumière des récits comme ceux de Sarah. Elle est la cheffe de la maternité du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Nioko 1. C’est donc devant elle que ces drames de vie se dévoilent très souvent. Des histoires tout aussi marquantes les unes que les autres. « Je me rappelle le cas d’une jeune fille de terminale également… », commence-t-elle. Cette élève que nous appellerons Sandy s’est rendue en consultation pour un test de grossesse après avoir constaté un retard dans son cycle menstruel. « Je lui ai dit : madame, toutes mes félicitations, tu vas avoir un bébé », relate Mme Yelbi.

Sandy s’est aussitôt écriée : elle est élève, elle ne veut pas d’un enfant et sa maman la tuera si elle l’apprend. La Sage-femme a alors saisi l’occasion pour lui demander pourquoi n’avoir pas adopté de méthode contraceptive. « Elle a prétendu que les gens racontent des choses sur les différentes méthodes de contraception, sans être en mesure de dire exactement ce qui est reproché à ces méthodes », explique l’agent de santé.

En fin de compte, la matrone révèle à l’adolescente que son test de grossesse est plutôt négatif. « Je lui ai proposé de faire le choix d’une méthode pour qu’on lui administre. Elle a demandé à réfléchir, elle est sortie et je ne l’ai plus revue », regrette la sage-femme.

17 cas d’avortements dans le mois

Lorsqu’elles se retrouvent dans ces situations fâcheuses, les jeunes filles pensent systématiquement à l’avortement. Selon Mme Yelbi, le CSPS de Nioko 1 enregistre en moyenne sept cas de demande d’avortement par mois. Mais très souvent, ces situations ne correspondent pas aux cas prévus par la loi. Le service de santé se déclare donc incompétent à pratiquer ces avortements. Toutefois, il leur arrive aussi de recevoir des patients pour des soins après avortement. Ils sont obligés dans ces cas, d’offrir les soins d’urgence.

« Le mois de septembre dernier nous avons enregistré 17 cas d’avortements spontanés. La plupart sont des jeunes élèves en détresse. Beaucoup ne veulent pas adopter les méthodes de contraception sur la base de fausses rumeurs à propos de prétendus inconvénients de ces méthodes », se désole la sage-femme.

Valentine Yelbi accuse principalement l’irresponsabilité des parents, coupable de ne pas s’investir dans l’éducation sexuelle de leurs enfants. Elle en veut pour preuve la situation d’une fillette de 7 ans qu’elle a reçu dans son service.

L’agent de santé est amer lorsqu’elle évoque ce cas. « Les parents pensaient qu’elle avait été violée par des garçons du voisinage. Mais en l’examinant, je me suis rendue compte que cette fillette de 7 ans était déjà sexuellement active. L’interrogatoire a révélé que c’est la petite même qui était à l’origine de l’acte. Nous avons référé les parents vers nos partenaires qui offrent des services psychosociaux. Ils ne s’y sont jamais rendus », confie-t-elle.

Mme Yelbi est convaincue que si chaque parent fait un effort pour assumer sa responsabilité dans l’éducation sexuelle de son enfant, il y aurait moins de situations déplorables et de vies gâchées.

Mamadou OUATTARA

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