Les 529 députés du Parlement ougandais ont reçu cette semaine, 200 millions de shillings ougandais chacun, soit environ 48 000 euros (environ 31.440.000 F CFA) par personne, pour une enveloppe totale de 25 millions d’euros. Cette somme est destinée à l’achat de voitures pour les élus. L’annonce passe mal alors que le pays est fortement touché par la crise de coronavirus.
Le porte-parole du gouvernement, Ofwono Opondo, a défendu cette décision en soulignant que les députés avaient « droit au transport », évoquant une « tradition de longue date ».
La décision n’est pas du goût de tout le monde. Sarah Bireete, militante des droits de l’homme, dénonce cette mesure prise en pleine pandémie de Covid-19 qui sévit fortement dans le pays.
« La priorité devrait être l’immunisation de la population, réaliser des tests de dépistage et traiter les patients malades du Covid… Mais quand on voit la décision prise par le gouvernement d’acheter des voitures aux députés, alors qu’on n’a pas assez d’argent pour la vaccination et que les hôpitaux manquent de médicaments essentiels et d’oxygène, on voit que les priorités du pays sont inversées. Qu’on ne s’inquiète pas du sort de la population mais plutôt du confort des leaders politiques », déplore l’activiste.
Celle-ci rappelle ensuite : « les ministres disposent déjà de deux véhicules avec chauffeur et essence payés par le contribuable. Ils se sont vus également allouer de l’argent pour un troisième véhicule par le Parlement… toujours aux frais des contribuables. Alors même si ces voitures sont présentées comme une nécessité pour les nouveaux députés, les ministres ne devraient pas bénéficier de ces avantages. »
« Une affaire criminelle et immorale »
La colère a éclaté dans les médias et sur les réseaux sociaux. En 2018, une mesure similaire avait également suscité la réprobation générale. Des manifestants avaient même envahi le Parlement. Mais selon Joseph Ochieno, homme politique et éditorialiste ougandais, ces protestations ne vont rien changer.
« Depuis 35 ans, ce pays fonctionne avec une politique de cadeaux et d’avantages en nature. Le gouvernement n’est pas attentif aux désirs de la population ni à ses besoins. Ce n’est pas le vote populaire qui influe sur la politique, mais les cabales et les lobbies alors que la majorité de la population n’a pas voix au chapitre.
Mais le problème, c’est que ce scandale intervient alors que la pandémie de Covid-19 est particulièrement inquiétante. Les gens sont tellement pauvres, la pandémie aggrave la situation et cela rend cette affaire non seulement criminelle mais extrêmement immorale.
Toutefois, une partie de la population ougandaise est tellement habituée. Car nous sommes gouvernés si brutalement depuis tellement longtemps par un seul système que les gens sont parfois désespérés. Ils peuvent manifester mais la protestation ne débouche sur rien. En 2018, les gens ont manifesté mais qu’en est-il sorti ? Rien. Le mécontentement actuel va-t-il aller au-delà de la polémique actuelle ? J’en doute. »
RFI